Anticolonialiste farouche entouré d’une sulfureuse légende, il se rendit célèbre en défendant le terroriste Carlos ou le criminel de guerre nazi Klaus Barbie, mais aussi Omar Raddad (cf. “Omar m’a tuer”). Le cinéma avait plusieurs fois représenté à l’écran celui qui était presque devenu un ” personnage de fiction”, aux engagements équivoques. Décédé hier d’une crise cardiaque à l’âge de 88 ans, Jacques Vergès est aujourd’hui évoqué par Barbet Schroeder, qui lui a consacré en 2007 le docu ” L’Avo
En 2008, lorsque nous l’avions rencontré pour la sortie d’Inju, la bête dans l’ombre, Barbet Schroeder avait bien voulu revenir avec nous sur le cas Jacques Vergès, auquel il avait peu de temps auparavant consacré L’Avocat de la terreur : « Ah ! Mon cher ennemi ! (sourire) Voilà un personnage extraordinaire. Vous me dites qu’il méritait le César du Meilleur acteur, et c’est certain qu’il y a un côté cabot chez lui. D’ailleurs j’ai appris qu’il voulait monter sur les planches… En même temps, ce qui m’intéressait, c’était le personnage de fiction qu’il y avait en lui, extrêmement complexe, plein de surprises et de détour. [Mon film] a-t-il éclairci le mystère Vergès ? Je dirais que oui… mais il faut le regarder de très près. » Personnage de fiction, Jacques Vergès le devint, incarné notamment par Nicolas Briançon dans Carlos ou par Maurice Bénichou dans Omar m’a tuer, des films centrés sur deux de ses plus célèbres clients (et deux affaires radicalement différentes).
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Jacques Vergès/Maurice Bénichou dans Omar m’a tuer (2011)
Interrogé ce vendredi par l’AFP, Barbet Schroeder est revenu sur la disparition du célèbre avocat, évoquant un homme “brillantissime“, qui aurait pu être “un ministre très important. […] Il aurait parfaitement pu trouver sa place comme un ministre très important auprès de De Gaulle ou de Mitterrand mais il a préféré plonger avec toute sa passion et son intelligence dans l’aventure beaucoup plus extrême de la lutte pour la décolonisation. […] Il a fini par aider l’Algérie à devenir indépendante. Il a tenté ensuite de retrouver l’ivresse de cette réussite en aidant la cause palestinienne.”
A propos de “l’éclipse” de Jacques Vergès dans les années 1970 (il avait disparu aux yeux du monde pendant plusieurs années, refusant ensuite de s’expliquer sur ce qu’il avait fait durant cette période), qui n’avait pas peu fait pour édifier sa légende, Barbet Schroeder ajoute la chose suivante : “Je crois avoir prouvé avec mon film qu’il n’avait pas disparu pendant sept ans au Cambodge“, comme cela peut parfois être avancé. “La probabilité la plus évidente était qu’il était clandestinement aux côtés de Wadie Haddad, une grande figure mythique et charismatique de la branche la plus violente de la cause palestinienne“. Wadie Haddad a été l’un des responsables du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP). Le Palestinien “était aussi proche du nazi suisse François Genoud“, poursuit le réalisateur, qui ajoute : “C’est Genoud lui-même qui dit devant une caméra avoir organisé la défense de Klaus Barbie en contactant Vergès.” “L’éclaircissement d’une page essentielle de cet envers de l’histoire contemporaine va peut être pouvoir commencer“, estime Barbet Schroeder. Histoire peut-être, de pouvoir enfin juger qui était vraiment l’ambigu Jacques Vergès, dont les engagements ont largement troublé l’image…
Jacques Vergès devant la caméra de Barbet Schroeder :
L’avocat de la terreur
AG